1) « Blossarch Camille »
Le vent du diable
Certains soirs, alors que le ciel est pur et serein, qu'il n'y a pas le moindre nuage à l'horizon, que les clients sont paisiblement attablés aux terrasses des cafés, un coup de vent aussi soudain qu'imprévisible vient balayer le parvis de la cathédrale.
Les Strasbourgeois, eux, savent que c'est le vent du diable. Ils le savent parce que leur grand-père les a mis en garde contre ces bourrasques diaboliques qui, périodiquement et sans crier gare, parcourent les abords de la cathédrale.
Figurez-vous qu'il y a six siècles environ le diable apprit par des sorcières dépitées que la construction de la cathédrale de Strasbourg était sur le point d'être achevée, malgré toutes les misères, intempéries et autres incendies qu'elles avaient provoqués.
A cette époque, le diable habitait de l'autre côté du Rhin, dans les sombres forêts du Harz. Il fit donc venir le vent qui souffle fort en ces contrées et le chevaucha pour rejoindre Strasbourg et les rives du Rhin. Arrivé devant la cathédrale, et bien qu'il ne voulût jamais l'avouer, il fut fort étonné de la magnificence de l'édifice.
Mais voilà que notre diable découvre qu'un sculpteur a osé le représenter, lui, le Malin, la gueule béante, laid et grimaçant, sur le tympan du portail central. Trop, c'est trop ! Le diable abandonne sa monture à la porte du sanctuaire et se précipite à l'intérieur, décidé à laver l'affront et à se venger de cet effronté sculpteur.
Rien de plus simple ! Dans le croisillon sud du transept, seul un frêle faisceau de colonnette soutient la masse pesante des voûtes.
Heureusement, un prêtre qui célébrait la messe dans la chapelle voisine l'aperçut. Il éleva l'hostie dans sa direction et le diable, pris de panique, pénétra dans le pilier pour se dissimuler. Aussitôt, accompagnant le Christ plein de gravité, apparurent les quatre évangélistes et sept anges juvéniles qui, sur trois niveaux, entourèrent le pilier, empêchant à jamais le diable de ressortir.
Depuis ce jour, le pilier est appelé « pilier des Anges ».
Depuis ce jour aussi, le diable y est enfermé.
Quant au vent du Harz, abandonné sur le parvis, il lui arrive de s'impatienter. C'est normal, depuis le temps qu'il attend ! Alors, en tourbillonnant, le fougueux destrier fait le tour de la place... Et gare aux courants d'air !
2) Le Tentateur en train de courtiser "les vierges folles"
Autrefois, le Diable survolait la terre, en chevauchant le vent.
Il aperçut ainsi son portrait sculpté sur la cathédrale. C'est le Tentateur en train de courtiser les vierges folles qui est représenté sous les traits d'un jeune homme séduisant dont le dos s'ouvre et d'où sortent des crapauds et des serpents. Mais aucune des jeunes filles naïves auxquelles il s'adresse ne le remarque, ni bon nombre de touristes !
Très flatté et curieux, il eut l'idée d'entrer pour voir si d'autres sculptures le représentaient à l'intérieur. Retenu prisonnier dans le lieu saint, il ne put en ressortir. Le vent l'attend toujours sur le parvis et hurle aujourd'hui encore d'impatience sur les places autour de la cathédrale !